Nouvelle loi ELAN : quelles conséquences pour les recours ?

Le secteur de la construction immobilière est soumis à une législation forte. Ce cadre réglementaire peut avoir un impact sur l’émergence de logements neufs, les prix du marché ou les coûts de construction.

Les députés de l’Assemblée Nationale ont adopté, en octobre 2018, la loi ELAN dont le sigle signifie «Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ». L’objectif de cette loi est de faciliter le nombre de logements construits en abaissant le poids des normes et des règlements. Un exemple parmi les nombreuses mesures prévues: les immeubles de bureaux pourront être plus facilement transformés en logements.

La lutte contre les recours dits abusifs fait également partie des priorités de la loi ELAN, notamment dans son article 24. L’action publique porte notamment sur la diminution des délais de traitement de ces recours.

La loi ELAN est le fruit d’un contexte particulier de l’immobilier en France. Les réponses législatives sont multiples et viennent modifier un ensemble d’articles de lois.

Le contexte de l’immobilier français

Les années récentes ont vu une forte baisse dans la construction de logements neufs en France. La baisse, entamée au milieu de l’année 2012, s’est prolongée jusqu’à la fin de l’année 2015. Depuis 2014, un ensemble de dispositions ont été prises pour faciliter leur construction. La loi ELAN est un exemple de mesures qui vise à optimiser la croissance des logements neufs en accélérant notamment les démarches en matière d’urbanisme.

La culture du recours en France

Lorsqu’une construction immobilière est en projet, il existe de nombreuses voies pour contester et intenter des recours contre ces travaux. Ainsi, au départ d’un projet, un particulier peut réaliser un recours gracieux auprès de son maire pour contester l’obtention d’un permis de construire. Si sa demande est rejetée, il lui reste la voie du recours contentieux devant le Tribunal Administratif.

Si le Tribunal Administratif rejette également le recours, il est toujours possible de faire appel pour obtenir un autre jugement. L’ensemble de ces procédures peuvent prendre plusieurs années, ce qui peut retarder le début des travaux, voire mener à l’abandon pur et simple du projet par le maître d’ouvrage.

L’impact des recours sur la construction

Les recours de tiers sur les autorisations d’urbanisme ont un impact fort sur le niveau de construction. Ainsi, les statistiques distinguent les “logements autorisés” (c’est à dire bénéficiant d’une autorisation d’urbanisme) des “logements commencés” (c’est à dire ceux pour lesquels le chantier a effectivement commencé). Sur la dizaine d’années qui vient de s’écouler, on constate un écart de 100 000 logements autorisés qui ne se construisent pas en France (source du graphique). Les raisons de cette différence peuvent être multiples, l’une des plus importantes étant l’abandon des projets du fait de recours.

Depuis le début de l’année 2015, le taux d’annulation augmente pour les résidences collectives quand il diminue pour les logements individuels (source du graphique). Les recours concernent, par ailleurs, davantage les projets collectifs.

statistiques

Les recours contre les projets immobiliers impactent, de manière importante, les constructions de logements effectives. En effet, il s’écoule en moyenne plus de 11 mois entre l’obtention des autorisations et le début des travaux. Ce délai peut être beaucoup plus long dans le cas de procédures contentieuses au Tribunal Administratif. En première instance, les procédures de jugement d’un recours contentieux prenaient jusqu’à présent 22 mois en moyenne. Le Gouvernement a anticipé l’adoption de la loi ELAN en promulguant un décret le 17 juillet 2018. Ce décret limite à 10 mois la durée maximale que peuvent prendre l’étude des recours en première instance.

Par ailleurs, ce décret modifie également l’article R600-3 du Code de l’Urbanisme. Désormais, lorsqu’une construction est terminée, les requérants ne disposent plus que de 6 mois pour que leurs recours puissent être recevables, au lieu d’une année auparavant. Et ceci, en l’absence de preuve d’affichage continu du permis de construire pendant 2 mois. C’est là tout l’intérêt de la solution Attestis: grâce à elle, le maître d’ouvrage a la certitude que tout recours intenté au-delà des 2 mois à compter de l’affichage sera irrecevable.

Ce que la loi ELAN change pour les recours

La loi ELAN vient modifier différents aspects encadrant les recours formulés par des individus, des collectifs ou des associations. Ces transformations se concentrent sur la perception culturelle du recours, vue comme une voie automatique pour se faire entendre.

Les modifications portant sur le droit de visite et les documents d’urbanisme (PLU, ScoT, etc.) favorisent les constructions immobilières tout en limitant l’impact des recours. La loi Littoral voit ses contraintes diminuer sous l’effet de certaines dispositions de la loi ELAN.

# La modification de la qualification des recours

La loi ELAN propose un changement lexical de l’article L600-7 du Code de l’Urbanisme. Néanmoins, cette modification n’est pas sans conséquence sur les recours abusifs.

Cet article énonce, dans sa version initiale, que les porteurs d’un recours peuvent outrepasser la défense de leurs intérêts. Un recours est perçu alors comme une action autorisée dont les excès restent assez peu sanctionnés.

La loi ELAN modifie les qualificatifs pour considérer certains recours comme la manifestation de comportements abusifs. Initialement, pour saisir les tribunaux, les maîtres d’ouvrage lésés (par ex. les entreprises de promotion immobilière) devaient prouver qu’ils subissent un « préjudice excessif » suite à ces recours. Le terme « excessif » a été supprimé par la loi ELAN. Ces dispositions devraient faciliter les demandes de réparations des maîtres d’ouvrage vis-à-vis de ceux qui exercent des recours abusifs.

L’article R600-6 poursuit également l’objectif de réduire le délai de traitement judiciaire des recours à 10 mois. En les limitant à dix mois, la volonté du législateur est de borner les procédures dans le temps et donner une visibilité claire aux maîtres d'ouvrages, notamment les promoteurs immobilier en logements. 

Avec l'article L600-8, la loi ELAN vient aussi encadrer mieux l’enregistrement aux impôts des éventuelles négociations de contreparties.

Cette disposition permet d’éviter l’arrêt des opérations de promotion immobilière et les retards pris sur les constructions. Cela évite également que des requérants tentent, par tous les moyens, d’obtenir des compensations financières. L’affaire Pierre-Alain Wanten nous rappelle que les recours abusifs peuvent être une activité très lucrative puisque ce requérant avait extorqué plus d’1,6 millions d’€ à des promoteurs. La loi ELAN précise également que les transactions financières avec les associations ne sont plus autorisées.

# L’application de la cristallisation des moyens et du référé-suspension

La loi ELAN introduit la notion de “cristallisation des moyens” dans le Code de l’Urbanisme afin de limiter les recours. La cristallisation des moyens est un procédé juridique encadrée par l’article R611-7-1 du Code de Justice Administrative.

Cette disposition permet, à un juge, de fixer une date limite au-delà de laquelle les parties ne pourront plus apporter d’éléments nouveaux à instruire. Les projets de construction peuvent être soumis à des recours en cascade : un requérant épuise chaque recours les uns après les autres en vue de faire durer la procédure le plus longtemps possible.

La cristallisation automatique des moyens est ajoutée, avec l’application du décret du 17 juillet 2018 instituant l’article R600-5 dans le code de l’urbanisme. Ce nouvel article se rajoute à l’ensemble des mesures visant à réduire l’impact des recours prévues dans la loi ELAN. Désormais, les requérants ne pourront apporter leurs éléments de contestation que dans un délai de 2 mois au-delà duquel la “cristallisation” des moyens intervient automatiquement. Cette disposition participe à limiter les procédures dans le temps et à respecter le délai maximum de 10 mois évoqué plus haut.

De plus, la loi ELAN modifie dans un sens plus favorable à la défense, au sein de l’article L600-3 du Code de l’Urbanisme, les modalités d’utilisation du référé suspension par les requérants. Désormais, la loi ELAN oblige à exercer cette voie de recours en amont de la période contentieuse, et au plus tard jusqu’à l’expiration de la période de cristallisation des moyens.

# La segmentation des recours

Pour obtenir un permis de construire, il est nécessaire que le projet soit en cohérence avec les documents d’urbanisme locaux (PLU, SCoT, etc.). Il peut arriver qu’un projet soit validé par les services instructeurs vis-à-vis des règles du Plan Local d’Urbanisme mais que ce dernier soit annulé pour des raisons diverses parfaitement étrangères au projet concerné.

La remise en cause d’un Plan Local d’Urbanisme ou d’un Schéma de Cohérence Territorial impliquait la remise en application de la version antérieure de ces documents. L’article L600-12 du Code de l’Urbanisme a été modifié en conséquence par la loi ELAN pour éviter ces problèmes.

Ainsi, les recours sont segmentés dans la mesure où l’annulation d’un document comme le Plan Local d’Urbanisme ou le Schéma de Cohérence Territoriale ne permettent pas d’obtenir nécessairement l’arrêt d’un projet immobilier. Il existe cependant une exception dans le cas où l’annulation est en lien direct avec le projet immobilier concerné.

# La limitation des procédures

Le Code de l’Urbanisme prévoyait déjà, avant l’adoption de la loi ELAN, la possibilité d’annuler partiellement un permis de construire ou d’aménagement avec l’article L600-5. Cette disposition est complétée par l’article L600-5-1 permettant aux constructeurs de proposer un permis modificatif en vue de se mettre en règle.

Néanmoins, la situation peut devenir complexe si des requérants décident d’attaquer le permis initial puis, dans un second temps, le permis modificatif. La loi ELAN vient créer un article L600-5-2 qui énonce que les jugements portant sur le permis modificatif sont indissociables de ceux portant sur le permis initial. Cette limitation des procédures permet d’accélérer la prise de décision concernant les projets de construction.

En conclusion

La loi ELAN introduit de nombreuses modifications du droit, notamment sur le Code de l’Urbanisme, le Code du Patrimoine et le Code de la Construction et de l’habitation. Ces changements réglementaires ont pour objectif de faciliter les constructions tout en réduisant les possibilités de recours.

La lutte contre les recours abusifs se traduit de différentes manières: une complexification des procédures de recours, leur limitation dans le temps, et une judiciarisation plus forte contre les requérants excessifs.

Il reste important de bien s’informer sur les obligations en tant que maître d’ouvrage (sur l’obtention du permis de construire, sa durée d’affichage, le respect des règles de sécurité…) afin d’éviter que les procédures de recours traînent en longueur. On estime, en effet, à près de 30 000 le nombre de logements bloqués par un ou plusieurs recours. Ces blocages ont souvent un impact financier important, tant sur les promoteurs immobiliers que pour les entreprises de travaux.

Enfin, la loi ELAN ne change rien quant aux formalités d’affichage des permis de construire. C’est en effet pendant la période de “purge” de 2 mois à compter du premier jour de l’affichage continu du panneau de permis de construire que les recours peuvent s’exercer. Il est donc primordial de sécuriser au maximum la preuve d’affichage continu du panneau réglementaire.

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