Le Recours contentieux du Permis de Construire

L’autorisation d’un permis de construire peut occasionner des contentieux. S’il est possible de contester une décision d’urbanisme, c’est néanmoins en respectant certaines conditions. Les lois successives ont pour vocation de dissuader des contestataires « abusifs ». Tous les recours contre les autorisations d’urbanisme ne sont naturellement pas formulés à tort : certains permettent de rectifier des illégalités. Explications. 

Les lois évoluent pour mieux dissuader les contestataires abusifs

L’objectif des propositions et des réformes successives ont pour vocation de sécuriser les procédures - à savoir décourager les recours « parasites » - et d’accélérer les décisions de justice. En 2017, Les recours abusifs contre les permis de construire bloquaient encore environ 33 000 projets en France !

L'ordonnance du 10 juillet 2013 : lutter contre les recours abusifs et les condamner

Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, résultant de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme, le recours est autorisé contre une décision d’urbanisme si le projet est de nature à « affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’ils possèdent ou qu’ils occupent ».

En 2013, pour contester un permis de construire, deux conditions devaient donc être remplies au préalable :

- les travaux devaient causer du tort directement à la personne qui contestait, et ce dans les conditions d'utilisation, d'occupation et de jouissance du bien concerné ;

- la personne qui contestait le permis de construire pour nuisance devait, pour sa part, occuper régulièrement son propre bien.

le Recours contentieux du Permis de Construire


Pourquoi l’introduction de cette ordonnance ? 

Les contentieux étaient de plus en plus nombreux et souvent de caractère intéressé. Parfois même illégitimes et à la limite de la légalité. C’est pourquoi des mesures ont été mises en place pour lutter contre ces recours abusifs.

Car, quand un recours contre un permis de construire est émis, il entraîne des retards de réalisation significatifs. Et donc des surcoûts. Par ailleurs, et avant l’ordonnance du 10 juillet 2013, les recours abusifs devant le juge administratif étaient condamnés par le seul article R741-12 du code de justice administrative et sanctionnés par une amende d’un montant maximum de 3 000 euros.

L’arrêté du 10 février 2016 : démontrer formellement son intérêt à agir 

L’arrêté du 10 février 2016 renforce l’ordonnance du 10 juillet 2013. Si les deux conditions en prérequis de la contestation restent les mêmes, le Conseil d’État ajoute que l'auteur du recours contre une autorisation d'urbanisme doit démontrer son intérêt à agir, et le faire précisément. Autrement dit, si votre voisin conteste votre projet de construction, il doit apporter une preuve tangible de l'atteinte à ses intérêts.

Avant cette disposition, la seule preuve d’une proximité – même toute relative ! -  avec votre future construction était recevable pour contester la décision d’urbanisme devant le juge administratif. Désormais, il est nécessaire que votre voisin prouve que votre futur projet portera directement atteinte à l’usage de son propre bien.

Par un arrêt du 10 juin 2015, le Conseil d’État avait déjà formulé la nécessité, pour le contestataire, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier son intérêt à agir. À ce titre, tous éléments suffisamment précis et étayés peuvent servir pour démontrer que l’atteinte est susceptible d'affecter directement ses conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien.

L’atteinte n’a pas à être certaine, elle peut seulement être potentielle, mais elle doit en tout état de cause être suffisamment précisée et étayée.

L’arrêt du 10 février 2016, rendu par le Conseil d’Etat, est venu compléter l’interprétation du nouvel article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme et apporter des éléments importants sur la nature de la preuve devant être rapportée.

Il ne suffit donc pas seulement d’établir sa qualité de voisin, même mitoyen, pour présenter un intérêt donnant qualité à agir contre une autorisation d’urbanisme. Il est nécessaire que la requête, et surtout les pièces qui y sont jointes, présentent, de façon concrète, les atteintes générées par le projet litigieux aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien.


Exemple concret

Des riverains d’un immeuble en construction ont contesté le permis de construire de cet immeuble. Pour attester de la recevabilité de leur requête, ils ont apporté la preuve qu’ils occupaient la parcelle mitoyenne du terrain d’assiette du projet considéré comme litigieux. Or, ces voisins n’ont pas précisé de façon suffisamment concrète les effets produits de la future construction sur leurs biens. Verdict ? Le Tribunal administratif a rejeté leur requête d’annulation du permis de construire dans la mesure où ils ne justifiaient pas d’un intérêt à agir.


UN PERMIS DE CONSTRUIRE

CAS N°1 : C’EST VOTRE PERMIS DE CONSTRUIRE QUI EST CONTESTÉ 

Quel recours si vous êtes le titulaire du permis de construire ?

Il se peut que les voisins n’exagèrent pas… dans ce cas, vous pouvez modifier votre demande en cours de procédure jusqu'à ce que celle-ci soit conforme aux règles d'urbanisme et ne cause pas de préjudice à vos voisins.

Il arrive aussi que vos voisins exagèrent beaucoup trop et cherchent même à vous nuire… vous pouvez demander à ce que le contestataire soit condamné et qu’il vous verse des dommages et intérêts. Cette disposition est d’autant plus redoutable que le montant de ces dommages et intérêts n’est pas limité. Le bénéficiaire de l’autorisation contestée a ici toute latitude pour démontrer la réalité et l’importance de son préjudice.

Quoi qu’il en soit, pour contester votre permis de construire, le requérant doit être en mesure de justifier de son intérêt à agir.

En effet, la recevabilité en justice d’un recours contre un permis de construire est subordonnée à des preuves. Votre voisin doit démontrer de façon précise et détaillée en quoi la réalisation de votre projet pourrait lui porter atteinte, directement, aux conditions de jouissance du bien qu’il occupe.

Sachez qu’il ne lui suffira pas d’alléguer que votre projet, par sa nature, ses caractéristiques et son ampleur va lui apporter des désagréments. Il devra démontrer, au moyen de pièces et d’un argumentaire solide (photographies, rapports, attestations) que les effets même de votre construction porteront atteinte à son cadre de vie. Parmi ces effets, il peut s’agir de nuisances sonores, d’encombrement de la circulation et du stationnement, etc.

Quels types d’atteintes peuvent être alléguées ?

  • check
    La perte d’ensoleillement,
  • check
    la création de vues sur un espace de vie du bien,
  • check
    la perte d’une vue depuis le bien,
  • check
    l’exposition à des nuisances olfactives,
  • check
    l’exposition à des nuisances sonores,
  • check
    l’exposition à des nuisances sanitaires,
  • check
    un encombrement de la circulation et du stationnement,
  • check
    etc.


Si votre voisin n’a pas de preuves solides démontrant son intérêt à agir, vous pouvez souffler !  


Bon à savoir: 

Si votre voisin décide de retirer sa plainte en contrepartie d'une somme d'argent, la transaction doit être enregistrée auprès de l'administration fiscale.

CAS N°2 : C’EST VOUS QUI CONTESTEZ UN PERMIS DE CONSTRUIRE 

Le recours gracieux et le recours contentieux sont les deux possibilités offertes au requérant pour contester un permis de construire.

Le contentieux des autorisations d’urbanisme n’est cependant pas l’apanage des tribunaux de l’ordre administratif. Le juge civil a compétence à se prononcer sur la légalité du projet de construction.

LE RECOURS ADMINISTRATIF 

RECOURS ADMINISTRATIF

Étape 1 : le recours gracieux au maire  

L’intérêt de cette démarche est de gagner du temps : le recours gracieux a pour conséquence ­de ­suspendre le délai de deux mois pour attaquer un permis en justice.

La première démarche à faire si vous souhaitez contester un permis de construire est de vous adresser au maire de la commune où a été délivré le permis de construire.

Vous devez envoyer votre recours par courrier recommandé avec accusé de réception dans les 2 mois après la date d'affichage sur le terrain, et ce à deux personnes :

  • check
    Le maire
  • check
    la personne à qui le permis de construire a été délivré.

Le maire vous donne réponse sous deux mois. Si au bout de ces deux mois vous n’avez pas obtenu de réponse, cela signifie que votre recours est rejeté.


Bon à savoir: 

Le délai de 2 mois vaut à partir du moment où le panneau du permis de construire a été affiché sur le terrain.

Et si le panneau n’est pas présent sur le terrain ? Le maître d’ouvrage peut tout de même faire courir le délai à l’égard des tiers (vous) s’il êtes certain que vous avez eu connaissance de son permis (notamment parce que vous avez, par exemple, déjà effectué un recours gracieux)

Étape 2 : le recours contentieux devant le tribunal administratif  

Si votre requête en annulation d’un permis de construire n’a pas eu une issue favorable auprès du maire, vous pouvez vous tourner vers le tribunal administratif. Le juge administratif est saisi si vous estimez que le permis de construire est litigieux.

Néanmoins, ce recours n’est possible que selon certains cas :

  • check
    lorsque le permis de construire est illégal,
  • check
    lorsque la construction n’est pas en conformité au permis de construire,
  • check
    lorsque les règles d’urbanisme n’ont pas été respectées

S’il s’agit de l’un des trois cas, le tribunal administratif a le pouvoir d’annuler l'autorisation administrative que constitue le permis de construire.

Votre requête est à adresser, par lettre recommandée avec accusé de réception, au président du tribunal administratif du lieu où été obtenu le permis de construire.

LE RECOURS DEVANT LE TRIBUNAL CIVIL

Le juge administratif traite de la légalité du permis de construire au regard des règles d’urbanisme alors que le juge civil ne s’intéresse pas à l’arrêté lui-même mais davantage à l’ouvrage qui a été autorisé à construire par le dit arrêté. Le juge civil est saisi pour demander réparation suite à un préjudice subi.

Le juge civil a compétence à se prononcer sur la légalité du projet de construction au regard des règles de droit privé alors que le juge administratif est compétent pour apprécier de la légalité de l’autorisation au regard de règles de droit public.

Comme pour le recours administratif, l’ordonnance du 10 juillet 2013 ainsi que l’intérêt à agir porté par l’arrêt du 10 février 2016 s’appliquent.

Voici l’ensemble des cas qui permettent de contester un permis de construire :

► les travaux vous causent du tort, et ce dans les conditions d'utilisation, d'occupation et de jouissance du bien concerné ;

► vous occupez régulièrement le bien situé à proximité des travaux qui sont à l’origine des troubles,

► vous remarquez une non-conformité de la construction que vous contestez avec :

  • check
    le Plan local d'urbanisme (PLU),
  • check
    le Plan d'occupation de sols (POS) ,
  • check
    le Coefficient d'occupation de sols (COS),

► le Coefficient d'occupation de sols (COS),

  • check
    dans la mesure où il a été délivré selon une procédure irrégulière (des pièces obligatoires étaient manquantes),
  • check
    parce qu’il ne respecte pas le code de l'urbanisme,

vous supportez des troubles anormaux de voisinage à cause d’une construction qui :

  • check
    vous fait perdre un droit de passage,
  • check
    empiète sur votre terrain,
  • check
    vous cause une perte d’ensoleillement ,
  • check
    n’est pas réalisée dans le respect des servitudes de vue (ou autres types de servitudes, par exemple celles dites de “tréfonds” pour le passage et l’entretien de canalisations).
  • check
    ne respecte pas votre vie privée (comme par exemple une fenêtre qui donne sur votre salle de bain).

LE RECOURS DEVANT LE TRIBUNAL PÉNAL

Le juge pénal est saisi pour demander la condamnation d’un voisin fautif. Dans ce cas, la démarche est la suivante :

Vous vous adressez au maire qui a délivré le permis de construire pour lui demander de constater l'infraction. Une fois l’infraction constatée, le maire la notifie dans un procès-verbal, et celui-ci est transmis au procureur de la République. Pendant cette procédure, les travaux sont obligatoirement suspendus. Le procureur de la République peut poursuivre pénalement le fautif et demander la démolition de la construction. Les sanctions pénales peuvent aller jusqu'à 6 000 € par mètre carré et un an d'emprisonnement en cas de récidive.

L’AFFICHAGE DU PERMIS DE CONSTRUIRE : LA PRÉCAUTION N°1 POUR ÉVITER TOUTE CONTESTATION

Un affichage rigoureux du permis de construire est le meilleur atout pour faire vivre jusqu’au bout, et sans ennui, son projet de construction. Pour en savoir plus sur l’affichage du permis de construire, c’est ici 😉

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